Pour ceux dâentre vous qui me suivent, vous avez peut-être noté un silence radio depuis lâan dernier. Ce nâest pas parce que je manque dâinspiration.
Câest parce que, afin de pouvoir avancer sur mon chemin dâauteure indépendante, je dois me pencher sur un nombre de questions liées et pas du tout àmon écriture.
Ecrire câest bien, terminer ses livres câest encore mieux, mais terminer et publier ses livres pour quâils ne soient lus que par une poignée de gens, câest triste. Se douter que dâautres lecteurs pourraient avoir plaisir àme lire, sans savoir où ils sont ni savoir comment les atteindre, câest encore plus triste. Câest devenu particulièrement apparent àla sortie de mon dernier livre, Matérialiste-minimaliste.
Jâai donc décidé de me pencher sur la question du marketing, comme on dit vulgairement, mais aussi sur un nombre non négligeable dâautres questions. Comme par exemple:
Comment accepter de poser auteure et marketing dans une même phrase, de laisser co-exister ces deux facettes?
Comment, où trouver mes lecteurs? Pas des lecteurs mais mes lecteurs. Ceux qui seront attirés par mon univers dâauteur, mes thèmes, ma plume. Ceux àqui mes écrits feront du bien, qui seront inspirés, rassurés, émus par mes mots?
Comment faire du marketing alors que la seule chose que je veux faire est écrire, que dans le fond je ne veux rien vendre àpersonne?
Quel canal de communication choisir, grâce auquel je pourrai trouver mes lecteurs, tout en gardant ma voix, mon intégrité, mes valeurs?
Une fois le canal trouvé, comprendre comment il fonctionne. Les règles du jeu, choses àfaire ou ne pas faire selon lâobjectif. Et puis que dire? Que partager? à quelle fréquence?
Comment mâassurer dâavoir un message cohérent, et intéressant pour mes lecteurs?Comment garder mon indépendance et vie un peu farouche qui mâest si chère sur un canal où tout le monde partage jusquâàce quâil mange?
Sachant que beaucoup de lecteurs achètent un livre pour sa couverture, comment rendre mes couvertures de livre attrayantes et fidèles àleur contenu pour transmettre en une image le fond du livre?
Comment mâassurer que lâintérieur du livre sera ensuite àla hauteur du design intérieur et extérieur de mes livres après leur relooking?
Où trouver les gens qui mâaideront àréhausser la barre sur le dedans et le dehors de mes écrits?
Où vendre mes livres? Amazon câest bien mais tout le monde nâa pas une liseuse Kindle ou un compte Amazon. Quelles sont les autre alternatives (et croyez moi, elles foisonnent!)?
Comment optimiser les mots clés pour que les lecteurs intéressés par les sujets que je traite trouvent mes écrits?
Comment font les autres? De qui puis-je mâinspirer?
Câest ainsi que depuis des mois, je nâécris plus, ou presque. Sans pourtant quâun jour ne passe avec autre chose que lâécriture au centre de mes préoccupations. Câest très curieux.
Un séminaire Instagram par ci, la relecture de mes notes de cours dâécriture par là, des discussions avec des relectrices, des designers. Des réflexions sans fin sur ce que je me veux, ce que je veux àmon écriture, ce que je veux àInstagram. Et des heures des heures et des heures passées sans écrire. Câest dur. Et en même temps afin dâaméliorer ce que jâoffre àlire, je sais que je suis sur la bonne route.
Mais sérieux plus dâune fois je me suis demandé: au fond Virginie, es-tu en train dâessayer de devenir auteure, ou spécialiste marketing. Et la réalité pour les auteurs indépendants de nos jours, et bien câest un peu des deux je crois!
Rendez-vous bientôt sur Instagram, @virginieg.auteure.
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Une instruction donnée par notre coach d'écriture il y a un peu plus de deux ans: écrivez un guide pratique.
Plus de trois cents heures de travail; trois faux départs, au moins autant de fausses arrivées; deux concours prévus de manqués.
Une première version à13'000 mots, augmentée jusqu'à80'000, pour se stabiliser à50'000 et des poussières, après un dernier passage ces jours qui l'a allégée de 8.5%
Des dizaines de petites voix inconnues de réveillées: mauvaises, négatives , hideuses et décourageantes qui changeaient de ton et d'arguments suivant la phase et l'avancement du projet.
Une métamorphose de: guide pratique à: mi récit épistolaire mi guide pratique.
Une lutte au corps àcorps avec Scrivener, avec Word et avec le créateur de couvertures KDP entre hier et aujourd'hui.
Et puis plus rien.
Pas de feux d'artifices, pas de fanfares, pas de champagne, pas de fin d'un compte àrebours.
C'est sur la pointe des pieds que mon livre "Matérialiste-minimaliste, vers la meilleure version de vous-même grâce àvos objets" s'en est allé ce matin, vivre sa vie sur la plate-forme Amazon. Je la lui souhaite intéressante.
C'est le cÅur léger que je m'envole de mon côté vers d'autres contrées, d'autres projets.
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Jâai loupé un délai et câest fâcheux. Câétait un concours où je voulais envoyer mon guide pratique Matérialiste-Minimaliste. Câétait le 15 octobre.
En même temps que câest fâcheux, cela nâa aucune conséquence réelle que celle de mâagacer: personne dans le comité nâattendait mon texte, personne sur la planète àlâexception de quelques membres de ma famille très polis nâattend mon texte, et je ne pensais en aucun cas que mon travail serait retenu.
Et en même temps que cela nâa aucune conséquence réelle, câest fâcheux : ¨depuis quand je ne tiens pas mes délais?¨ je mâétonne.
¨Depuis quand je ne tiens pas mes délais après avoir déjàrepoussé moult fois le délai de sortie du même texte?¨ je pense.
¨Depuis quand je repousse mes délais dâailleurs?¨, je me demande.
Je pourrais me pencher sérieusement sur toutes ces questions, et bien dâautres: est-ce un acte de résistance interne, comme S. Pressfield les a décrits? Est-ce de la malchance? Est-ce un manque dâorganisation? Est-ce le manque dâexpérience? Est-ce la peur? Est-ce un peu de tout cela?
Très franchement je nâen sais rien, et jâai pris le parti de ne pas tenter de répondre àces question, ni de leur prêter attention. Jâai pris le parti de les laisser couler sur mon plumage dâécrivain, que je travaille àfaire pousser en sélectionnant chaque plume, chaque pensée, chaque habitude avec soin.
Mon travail dâécrivain tel que je le conçois nâest pas de savoir si jâaurais dû ou non, si jâaurais pu ou non, si je devrais regretter ou non, si ça aurait été possible en y mettant plus dâheures, plus de structure, plus dâorganisation. Ni dâessayer de comprendre le pourquoi du comment.
Mon travail dâécrivain est de chaque jour me présenter devant ma feuille, blanche ou remplie dâun texte que je vais devoir retravailler jusquâàlâécoeurement.
De chaque jour faire assez de place àla lumière pour que les doutes, les questions sans réponse, les blocages nâaient pas lâoccasion de prendre le devant de la scène.
De ne pas me poser la question de si câest bien avant de me poser celle de si câest juste.
Dâaccepter que de faire de mon mieux est déjàbien, même si je loupe des délais, même si cela me prend tellement plus de temps que je nâaurais pensé, que je nâaurais voulu, même si le texte ne sort pas quand ou comme je pense quâil devrait, même si ¨de mon mieux¨ nâest pas encore synonyme de ¨bien¨.
De ne pas juger mon travail avant dâavoir aposé mon point final, pour laisser une chance àce qui est déjàlàdâéclore sur le papier.
Câest dâaccepter que ce que mon conscient et ma logique veulent ou ne veulent pas nâa pas de réelle place dans ce négoce.
Câest dâaccepter de maîtriser tout ce que je met dans mon écriture mais pas ce qui en ressort ni réellement quand, de choisir chacune de mes plumes avec soin sans avoir de certitude quant au résultat final.
Et câest de une fois terminé, le libérer et le laisser vivre sa vie, àce texte.
Parce quâêtre écrivain, ce nâest pas juste écrire.
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Je ne regarde pas les nouvelles, ne lis pas les journaux, nâai aucun ami sur Facebook, pas de compte Twitter, Instagram ou Snapchat.
Je nâai pas la télévision, ne regarde pas la météo.
La plupart des gens, quand ils apprennent comment je vis, me regarde comme une bête curieuse, comme sâil manquait forcément quelque chose àma culture, àma personne. Une forme dâintelligence, dâintérêt, dâempathie, dâancrage dans la vie:
Je ne sais donc pas ce qui se passe dans le monde?!
Je ne mâintéresse pas àce que vivent mes amis et connaissance?!
Comme câest curieux!
Ce quâils ne savent pas, câest que du haut de toute mon ignorance sollicitée, je les regarde avec autant de curiositéâ¦
*
Chaque jour me faire dire ce qui se passe autour de moi, ce qui est important, ce qui devrait mâinquiéter, me réjouir, me désoler? Non, merci.
Faire confiance àquelquâun ou une institution, pour démêler àma place le ¨vrai¨ du ¨faux¨, le ¨bien¨ du ¨mal¨? Laisser mes perceptions et mon jugement en pâture àqui veut bien en disposer? Non, merci.
Entrer dans la danse du bien-mal-vrai-faux-laid-beau-triste-lemondevamal? Des push plutôt que des pull? Non, merci.
Me culpabiliser tout en me donnant bonne conscience? Parce que des gens souffrent une catastrophe naturelle, survivent, meurent, nâont rien àmanger, sont victimes dâune guerre et dâatrocités mais quâau moins, je mâintéresse et ai une pensée pour eux. Non, merci.
Baisser les armes, prendre ce que lâon me montre, me donne, ce qui se dit, se fait, se pense ou non pour argent comptant? Non, merci.
Mettre aux antipodes ¨faire comme tout le monde¨ et ¨se couper du monde¨? Non, merci.
Oublier, àtravers la routine et les habitudes, quâàchaque instant jâai un choix et une responsabilité; quâàchaque instant je dois décider de mon ¨quoi¨ et de mon ¨pourquoi¨? Non, merci
Chercher les réponses sur des écrans, oublier de lever le nez au ciel? Non, merci.
Craindre dâavoir lâair dâune ignorante, de ne pas être capable de tenir une conversation parce quâune conversation devrait signifier palabrer des autres et des news au travers de ce que nous en disent les médias, Facebook ou Twitter? Non, merci.
Penser mes liens et relations en termes de qui partage et a accès àquel contenu, qui a liké, repartagé, ce qui a buzzé? Non, merci.
Passer àcôté dâun apprentissage nécessaire dans ce monde cacophonique: celui de sélectionner, de trier, de questionner, de choisir, de manquer, de passer àcôté, de me tromper, de ne pas savoir? Non merci.
Me moquer lorsque câest facile? Ãtre dâaccord quand câest dans lâair du temps? Non, merci.
Espérer que qui je suis, ce qui me fait vibrer ou me sape le moral me soit un jour présenté au 20h? Laisser les canaux extérieurs brouiller ma réception déjàténue de mon monde intérieur? Non, merci.
*
Mais demander àquelquâun comment elle va et la regarder dans les yeux comme elle me répond.
Affiner mon regard et mon sens de lâécoute. Apprendre àentendre et voir ce que lâon ne me montre pas du doigt.
Explorer chaque jour comment je peux faire mieux, aider le monde àmon échelle, être une meilleure version de moi, apprendre àfaire des choix.
Choisir quels contenus je veux offrir àmon cerveau pour le stimuler et soutenir son développement.
Me pousser àaiguiser ma curiosité, àmâinstruire ¨au détour de¨. Dâun terme entendu dans la rue, dâune affiche, dâune référence attrapée au vol, dâun son, dâun sourire, dâun regard.
Me renseigner sur quelque chose que jâobserve, sans chercher àsavoir si câest tendance, si dâautres en parlent, si cela est digne dâattention.
Me responsabiliser àchaque instant. Me souvenir quâil y a autant de façons de faire les choses que de gens sur cette terre, tant que chacun de nous se souvient quâil peut et doit choisir et décider.
Constater des années plus tard que Diams ou Mc Solaar se sont retirés de la scène. Sourire de mon retard et de mon ignorance. Me demander finalement ce quâest lâignorance. Ãtre heureuse de ne pas avoir été prise dans la tempête du jugement, saluer leur courage et le retour de MC Solaar qui coincide, selon mon échelle temporelle, avec le début de son absence.
Découvrir Orelsan des années lumières après tout le monde par une suite de complets hasards, me délecter de certains textes sans être parasitée par le avant, le après, le peut-être, le sûrement pas, le devrait ou pas.
Déduire les tendances parce que je les observe dans la rue.
Savoir quâil pleut parce que je sens les gouttes glisser sur ma peau.
Me faire regarder comme une bête curieuse et me donner un high five Ã moi-même, parce que si avoir lâair dâune bête anachronique inepte peut planter un questionnement alentour, ma journée nâa pas été perdue.
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Jamais, toujours.
Je tâadore, je la hais.
Cela sera toujours comme ça.
Je suis incapable. Je ne sais pas. Je ne saurai jamais.
Je tâaimerai toujours.
Ce nâest pas possible; pas logique; pas aimable.
Câest gentil.
Elle nâest pas belle je suis trop gros. Il est parfait.
Câest comme ça on nây peut rien.
Ãa ne changera jamais.
Ce serait un échec.
Câest incroyable il réussit tout ce quâil entreprend. Il transforme tout ce quâil touche en or, rien ne lui résiste.
Moi pas. Moi je rate tout.
Je ne comprends rien.
Câest ridicule. Câest bien. Câest mal.
Les chats câest gentil.
Les loups câest méchant.
Les ours câest très méchant. Sauf les pandas.
Tu dois faire des études.
Je dois me ranger.
Il devraient se marier.
Il est nul. Il ne fait que des trucs pourris.
Je ne pourrai jamais.
Mais quâest-ce que je crois?!
Tu te prends pour qui?!
Je suis trop jeune, je nâai aucune expérience. Je nâai aucune chance.
Câest de leur faute, ils mâont mis là.
Les murs se ressèrent et bientôt même un tour sur moi-même me semble impossible.
Je suis trop vieux, il est trop tard.
Câest comme ça, on nây peux rien.
Tout est de ma faute je suis un désastre.
Son poing frappe violemment sur la table et les mots sursautent et volent. Ils retombent sans grand fracas. Ils reviendront, bientôt. Pour le moment ils rampent sournoisement autour de lui àla recherche dâune faille. Et ils la trouveront ce nâest quâune question de temps.
En attendantâ¦
Un peut-être timide, un rêve, une étincelle.
Un ¨se peut-il?¨, un ¨jâaimerais¨, un ¨et siâ¦Â¨.
Ils sâapprochent, ils arrivent. Juste le temps dâun flash, un ¨rien nâest impossible¨ qui disparaît aussi vite quâil est venu.
Ils sont ànouveau sur moi, me collent au cerveau, àla peau. Ils mâenserrent dans leur étreinte, se lient pour créer la prison dont je mâentoure. Pour mâenfermer.
Je ne veux pas mais je ne peux pas. Je ne sais pas. Encore.
Chaque mouvement de lutte me fait saigner et jâen porterai les cicatrices. Toujours.
Pas cette fois, pas comme ça, pas de nouveau. Ils me lacèrent et je me débat.
Je décolle un àun ces mots de moi, de mon être, de mon cerveau, de mon âme. Un àun et sans relâche je fais taire ces mots.
Dehors les ¨jamais¨, banni les ¨toujours¨. Exit les jugements, les discours immuables et assourdissants sur ce que je sais et ce que tu ne sauras jamais. A bas les vérités absolues et les comparaisons inutiles. Tu es un monstre, elle est plus belle, je suis une victime.
Ils tombent mais se relèvent. La guerre rugit, elle dure, elle mâuse, je ne vois pas la fin de ces murs, de ces mots qui semblent se reconstruire tout seuls, un nouveau mur se cachant derrière celui que je viens de faire tomber.
Soudain je me débats autrement. Plus calmement, plus posément.
Un ¨tout est possible¨ prend racine et gonfle dans mon coeur.
Câest possible, je le sais. Je le veux. Je lâaimerais. Je ne sais pas encore comment mais je ne doute plus.
La place se fait mais la bataille gronde toujours en moi. Je ne peux pas baisser la garde.
Je veux, jâaimerais.
Je peux. Je sais que je peux.
Je vais.
Ce matin je me réveille dans le calme. Ils mâont quitté.
Le silence est assourdissant.
Ces mots qui étaient miens, nous vivions si étroitement. Je peux les remplacer.
Un voile se lèvre sur lâhorizon.
Je tends la main, touche les nuage. Plus de haut plus de bas. Plus de mieux plus de pire. Plus de moche beau, laid. Plus de certitudes.
Une angoisse passagère. Puis une infinie liberté.
Que vais-je faire de tout cet espace?
Et vous?
Pourquoi me suivez-vous sans relâche? Qui êtes-vous vraiment? Pourquoi êtes-vous si nombreux àvenir me voir?
Vous exigez de moi une sérénité que je ne saurais vous donner àlâinstant où vous me la réclamez. Peut-être jamais du reste.
Comment accepter de vous voir partout sans vous y avoir conviés? Comment vivre avec vous tapis dans chaque recoin de mon existence?
Comment désenchevêtrer ma vie des vôtres?
Comment vous laisser vivre votre vie sans moi, et moi sans vous, vous qui êtes nés par moi et pour moi.
Je te reconnais, toi. Tu as envenimé ma vie des années durant et te revoilàdans mes textes. Sors dâici tout de suite, tu es chez moi et tu n'y es pas le bienvenu. Je te barre, te trace mais tu reviens en sifflotant dans la version dâaprès. Dans les histoires dâaprès. Tu mâenvahis de partout. Tu mâirrites, me provoques, tu tâamuses de mon désarroi. Je te jette le stylo àla figure alors que tu prends tranquillement mon horizon en otage.
Et ces mots, tous ces mots. Le bon mot, le mot juste, le mot pesé, choisi, élégant, parfait. Le mot qui mâéchappe, qui me fuit. Ceux qui blessent, qui me coupent en me traversant avant de venir atterrir nonchalamment sur ma page. Les mots sales, les tristes, les durs. Ceux qui ne sortent pas, ceux que je ne veux pas laisser échapper, ceux qui sâenvolent. Ceux qui mâenvolent. Ceux que je broie, ceux que je brise, ceux qui me broient, que je trace, qui volent en éclats. Ceux qui me heurtent de devoir vous heurter.
Je tourne et retourne ces mots, je vous regarde dans les yeux, dans le coeur, je vous observe vous scrute et je ne comprends pas. Je suis perdu. Je ne vois plus rien, je ne sais plus.
Qui suis-je, moi, pour me mettre entre vous et eux. Pour vous raconter àeux. Est-ce que seulement ils sâintéressent àvous? Comment leur faire découvrir qui vous êtes, vous qui nâexistez quâàtravers moi. Comment vous faire justice? Comment leur montrer sans manquer de pudeur, sans vous trahir. Comment vous raconter?
Ils ne vous comprendraient pas.
Soudain câest comme une évidence, câest de ça dont il sâagit, dont il sâest toujours agi. Les mots arrivent en flot, en rafale, en tempête. Après un calme plat tous sâanime soudain. Lâhistoire sâenvole et vous emporte dans son sillage. Je ne peux plus rien pour vous, je dois vous laisser vous envoler. Vous êtes maintenant si loin, vous êtes hors dâatteinte.
Pourquoi mâexcluez-vous alors que je vous ai donné mon souffle, ma vie, mes mots. Pourquoi vous cacher alors que nos destins sont liés. Pourquoi me laissez-vous de nouveau seul, si seul, moi qui vous aime tant.
Comment vivre sans vous maintenant, dans le vide et dans le silence, vous qui me teniez chaud depuis si longtemps. Seul face àma page, face au monde, face àmes questionnements. Et àtoutes ces paires dâyeux.
Qui suis-je donc pour vous imaginer, pour vous voir, pour vous aimer, pour vous raconter? Pour me raconter. Qui suis-je donc pour me mettre ainsi ànu? Qui suis-je donc pour oser oser? Qui suis-je donc pour oser décider de ce qui est bon pour moi? Et pour vous. Qui suis-je donc pour me tenir si droit au milieu de ceux qui se donnent tant de mal pour courber lâéchine? Qui suis-je donc pour oser rêver? Qui suis-je donc pour oser écrire?
Je ne suis personne. Tout au plus une poussière dâétoile de passage dans ce monde, comme vous tous. Une poussière dâétoile déterminée àmâenvoler dans leur sillage, àeux qui sont entrés dans ma vie sans crier gare, àeux qui se sont soufflés àmon âme et àmon oreille, àeux qui mâont invité àfaire un bout de chemin avec eux.
Et je suis tout le monde. Je suis mes personnages. Je suis mes histoires, je suis tous ces sentiments qui me traversent et me transforment; qui mâenvahissent, me débordent et puis me quittent. Je suis tous ces mots qui mâhabitent et dont je couche une infime partie sur la page, une main tendue dans la tempête.
Je suis vivant, je suis debout, jâécris et jâavance. Jâemmène avec moi ceux qui me lisent et àqui mon sillage sied.
Je suis un auteur.
A Diane de Man                                      Â
Crédit dâimage: Pexels
Julien travaille sur son article de blog depuis quelques jours. Il se tâte, ne sait pas si câest vraiment ça quâil voulait dire. Lâordre de ses pensées ne lui convient pas, le choix des mots non plus.
Greg sâest réveillé avec un mal de crâne ce matin. Câest le jour de son rendez-vous avec ses lecteurs, câest ce quâil leur a promis en toutes lettres: un billet les premier et troisième jeudi du mois. A bien y réfléchir il se demande sâil ne devrait pas retirer cette promesse écrite qui le lie un peu plus quâil ne lui est confortable. Une idée lâeffleure, et sâil publiait quand il est inspiré, quand il en a envie?
Julien part faire un tour.
Greg nâa pas envie dâécrire.
Julien revient et sây remet un peu. Cela ne vient toujours pas.
Après avoir rangé, nettoyé, tourné et retourné lâordre de ses livres dans la bibliothèque â àdéfaut dâautre chose â Greg entend sonner midi. Il a faim et nâa rien dans son frigo. Il sort et rencontre un ami par hasard, câest presque un soulagement. Ils sortent déjeuner. La discussion â plaisante â se prolonge.
Julien jette son billet dans la corbeille de son mac. Le petit bruit de papier mis en boule libère un soupir: il ne pouvait tout de même pas sortir un billet de blog aussi peu léché, ce nâest pas son genre.
La boule au ventre de Greg revient en force lorsquâil regarde lâheure. 18h. Aïë. En plus ce soir il va manger chez ses parents. Le fond dâécran de son portable le fixe sans en démordre. Dans son regard insolent il lit ¨Do the work¨, une citation de Pressfield. Il paie, embrasse son ami et rentre chez lui, un peu dépité.
Julien a repris sa nouvelle, quâil avait laissée de côté il y a quelques temps parce que ça ne sonnait pas juste, lâinspiration lâavait quitté. Làça va mieux, il peut tranquillement reprendre lâhistoire de Max làoù il lâavait laissée. Il semble ànouveau être porté par lâinspiration.
Greg sây met, il est 18h37 et il a rendez-vous à19h. Il sera en retard, pas grave ses parents le connaissent bien puisque câest eux qui lâont fait â ils ne lui en voudront pas dâarriver une énième fois en retard.
19h20, son billet est posté. Il ne lâaime pas et lâa uniquement relu pour éradiquer les fautes dâorthographes, le reste ma foi il fera avec. Il renonce àfaire la liste de toutes les choses quâil nâaime pas dans son billet. Ce sera mieux une prochaine fois.
Julien ferme son ordinateur, le billet de blog a eu raison de lui mais il a pu terminer une première version de sa nouvelle. Il est content.
Comme chaque premier et troisième jeudi du mois, un petit peloton de fans â très discrets â se retrouve sur le blog de Greg pour lire son billet. Son blog les fait tour àtour rire, lever les yeux au ciel, appuyer sur le bouton ¨partage¨, et parfois leur serre le coeur. En gros son blog et ses billets leur font du bien.
Il est 21h, le lectorat de Greg a aimé. Son billet a été partagé plusieurs fois et il a obtenu plus de petits coeurs quâaucun de ses billets jusquâici. Il se gratte la tête en avalant une tranche de bavarois aux framboises que sa mère lui a préparé avec amour.
¨Inspiration exists, but it has to find you working¨ â Pablo Picasso
Crédit dâimage: davide ragusa sur Unsplash
Connaissez-vous cette petite voix cassante qui vit au coin de nos têtes et passe son temps ànous juger en chuchotant ànotre oreille àtout heure, sauf éventuellement quand on est occupé àjuger les autres.
Cette petite voix qui nous rabâche les oreilles avec tous les scénarios possibles dâéchec et toutes les raisons pour lesquelles on ne devrait jamais vraiment entreprendre ou tenter quoi que ce soit.
Cette voix qui pense que le monde nous en veut et que le mieux est de se mettre en boule, tous pics dehors, en attendant que cela passe.
Celle qui nous dit quâon nâest pas assez, beaucoup trop ou totalement àcôté.
Qui nous susurre que ce nâest pas la peine dây penser, de rêver, ou même dâessayer parce quâon connaît le fin mot de lâhistoire.
Celle qui, finalement, si on la brave, reviendra en force aux premiers signes de faiblesses ou de doute pour nous rappeler quâelle nous lâavait dit et quâon aurait mieux fait de lâécouter, ce que lâon sera dâautant plus tenté de faire la prochaine fois.
Celle qui nous rappellera àtout jamais de ne pas sortir du connu et du balisé, parce quâon se souvient la dernière fois quâon sâest pris àpenser quâon pouvait voler.
La reconnaissez-vous, lâavez-vous déjàentendue? Ou est-elle si sournoisement tapie dans les coins de votre caboche que vous nâavez pas encore repéré la fâcheuse?
Elisabeth Gilbert en parle, Julia Cameron, Steven Pressfield, Seth Godin, et tant dâautres. Résistance, cerveau reptilien, Peur, ou encore saboteur, cette petite voix sâest vue baptiser de plusieurs sobriquets selon les auteurs.
Câest celle qui nous tient chaud et nous protège dans un certain nombre de cas, et câest celle qui nous empêche, qui musèle nos licornes, nos arc-en-ciels et nos soleils dans dâautres.
La voix off a en principe été installée àla mise en service, dès la naissance, puis renforcée avec les années. Essentiellement qui dit humain dit voix off, la question nâest donc pas de savoir si elle existe chez soi.
On peut fonctionner avec, mais on fonctionne tellement mieux et tellement plus proche de soi sans.
Il est important de se souvenir que notre créativité, notre capacité àfaire des liens, àmettre de la vie autour de nous et àlaisser sortir celle qui est en nous, est làet en chacun de nous. Elle a aussi été installée àla naissance.
Il se trouve quâen grandissant on veut de moins en moins mettre du ciel bleu, des soleils et des étoiles filantes sur nos feuilles et nos cahiers. On ne veut plus rire fort, plus courir dans la rue, plus sauter en lâair quand on entend des bonnes nouvelles. On ne veut pas se faire remarquer, on aime mieux ressembler aux autres â câest plus rassurant.
Câest àce moment que la voix off commence àgagner du terrain. On lâécoute car elle nous guide dans ce que lâon devrait faire pour ne pas dépasser, ne pas attirer lâoeil et surtout, àtout prix, se fondre dans la normalité. On laisse la grisaille, le conforme, lâennuyeux, les horaires, le sérieux, entrer dans nos vies par la grande porte pendant quâon demande aux ciels bleus, aux soleils, aux licornes et aux arc en ciels dâaller se cacher dans lâarmoire, juste un instant. Dâabord pas longtemps et pas trop souvent, puis de plus en plus, avant de finalement les laisser sécher làdans lâarmoire, pendant quâon cherche àavancer dans la grisaille.
Jusquâau jour où on se réveille et on ne voit plus que du gris. On frappe àlâarmoire où on se souvient avoir un jour délicatement posé notre licorne, nos soleils et nos étoiles filantes et ça sonne creux. On ne peut plus lâouvrir, il y a bien longtemps quâon a perdu la clé.
A lâintérieur, les arc-en-ciels, les ciels bleus et les soleils sâagitent, sâaffolent. Et nous devant lâarmoire on ne sait pas trop quoi faire.
On a soudain une envie irrépressible de sâacheter des crayons, dâécrire, de faire de la photo, de la danse africaine ou que sais-je. Peut-être va-t-on jusquâàsâinscrire au cours et sâacheter des crayons, sauf que⦠la voix off veille au grain et reprend rapidement le dessus faisant appel au bon sens et àla décence, dictés par toute cette grisaille dont on sâest entourés:
¨Non mais tu fais quoi tu veux dessiner?¨ ;
¨Alors Môssieur veut faire un cours de dessin maintenant? Môssieur ne pense-t-il pas quâil a autre chose àfaire peut-être, comme terminer le bouclement des comptes, la campagne marketing, ou la lessive?!¨
Ou encore
¨Mais écrire et pour quoi? Tu as vraiment lâimpression que qui que ce soit va te lire, ou même apprécier ce que tu fais? Câest ridicule tu nâas aucun talent et pas de temps pour ça allez arrête et retourne travailler, ou alors regarder la télé, mais quelque chose de normal quoi!¨
¨Les gens vont se moquer¨
¨Ils ne voudront jamais te prendre dans la classe, tu es bien trop vieux¨
¨Oh et puis de toutes façons jâai trop de travail.¨
Alors on sâéloigne àpas lourds de lâarmoire et laisse notre beau monde àson propre sort. On rabroue lâidée, cette idée incongrue, àla limite du grotesque de vouloir se mettre àla frivolité ànotre âge. Exit les licornes, les arc-en-ciels, les ciels bleus et les soleils. Retour àla grisaille, au rassurant, et àla voix off.
Ou alors⦠on doit apprendre àcombattre la voix off, la muselière. Ce système dâauto-censure qui marche en boucle et finit par nous rendre chèvre.
A partir de làquestion devient: comment mâen débarrasser? Puis on constate que, telle la mauvaise herbe qui repousse toujours, on ne la tue jamais vraiment. Ce quâil faut donc câest apprendre àvivre avec, faire avec, grandir malgré elle.
Et bien en muselant la muselière. Un matin donc, on décide que cette muselière-ci nous saoule et on lui fait le coup de tel est pris qui croyait prendre. On nâessaie pas de la faire taire, tout comme on nâempêchera pas un chien dâaller lécher tout ce quâil trouve sur le trottoir, on va juste lui rendre la tâche plus difficile et moins sympa. En se souvenant que lâimportance nâest pas la réussite àchaque pas, mais bel et bien le recommencement et la constance de lâexercice. Apprendre àla voir, la reconnaître, la tolérer, et passer outre sans relâche et le plus souvent possible.
Elle criera, se débattra, râlera, fera la morte pour que vous baissiez la garde, avant de vous molester de plus belle. Et nous avancerons, la défierons calmement, sans vagues mais avec toute la résolution du monde dans le regard et le port du menton. Pas àpas, mot àmot, coup de pinceau àcoup de pinceau, note par note, photo après photo, sourire après sourire.
A lire:
â The war of art, Steven Pressfield
A tenter:
â The artist way, Julia Cameron
A voir:
â Your elusive creative genius, TED Talk, Elizabeth Gilbert
Crédit dâimage: Pixabay
En décembre 2017, ce billet de blog s'est fait la malle et a élu domicile dans mon livre ¨Patchwork, un cheminement pavé de texte¨, où vous pourrez le retrouver et le lire.