Monsieur Weinstein était un génie.
Monsieur Weinstein est maintenant un prédateur sexuel.
Les récits des victimes pleuvent, les honneurs se retirent, les quidams sâindignent et les médias se régalent.
De toutes les personnes qui travaillaient ou ont travaillé avec lui, je me demande combien ignoraient les comportements déplacés, libidineux et inexcusables de Monsieur Weinstein jusquâàce quâil apparaissent dans les médias.
Je me demande si les acteurs ou actrices qui ont accepté le deal promiscuité contre une élévation dans les étoiles, pour un rêve, pour de lâargent, par peur ont regretté. Est-ce que lâon ne regrette pas toujours quand on vend son âme au diable? à postériori le jeu nâen valait jamais la chandelle, et pourtant.
Au delàde ces actrices, je me demande combien ont accepté le deal de plus loin: leurs valeurs, un peu de déplacé, de tendancieux, de sale contre du génie, de lâexécution, du revenu, de lâargent, de la gloire.
Je me demande combien ont toléré le prédateur pour protéger le génie, leur investissement, le projet, le film, leur carrière ou autre chose.
Je me demande combien de personnes ont résisté àMonsieur Weinstein, pour elles-mêmes ou pour protéger les suivant(e)s, et combien ont payé de leur poste, de leur réputation, dâun rôle, de leur salaire, de leur réseau.
Je me demande le courage quâil leur a fallu, et sâils ont parfois regretté dâavoir osé dire non pour vivre près de leur valeur, sâils ont pensé àpostériori quâils nâauraient pas dû, que ce le jeu nâen avait pas valu la chandelle.
Je me demande si Monsieur Weinstein aurait continué ses avances déplacées, son chantage odieux, et ses jeux de pouvoir si quelques uns â de ceux qui lâengageaient â lui avaient fermement demandé de cesser.
Je me demande àquel moment les humains décident que le système est le plus fort et quâils ne peuvent rien faire. Nâest-ce pas àce moment même que le système devient plus fort.
Je me demande combien de personnes en résistance active et vocale cela prend pour faire cesser de tels comportements. Et je me demande combien cela en prend pour les encourager et les faire perdurer.
Je me demande quâest-ce qui fait soudain pencher la balance, quand le deal nâest soudain plus assez intéressant pour le système. Parce que le deal de Monsieur Weinstein a toujours été le même, non?
Je me demande combien de revenus publicitaires sont engrangés en plus grâce àcette histoire sordide qui fait vendre.
Je me demande si de taper sur un homme àterre, fut-il un diable, est vraiment ce quâil y a de mieux àfaire. Et si cela nous assure quoi que ce soit: que cela ne recommencera plus, quâil ne recommencera plus, que les victimes se sentiront mieux.
Je me demande si dâostraciser Monsieur Weinstein est ce qui est le plus constructif dans une lutte contre ce genre dâabus. Comme si en lâextrayant du système on enlevait la source du mal et se protégeait contre une répétition de la situation.
Je me demande qui sera le prochain Weinstein. Parce que sans aucun doute, il nâest pas le seul, si?
Je me demande si Monsieur Weinstein retravaillera, et si oui quand. Est-ce quâune fois la tempête médiatique passée, lâhistoire reléguée dans le fond de la salle on oubliera les manquements et refera place au génie, quitte àfaire entrer le loup dans la bergerie ànouveau.
Je me demande pourquoi en 2017, nous les femmes de tous bords, pays, métiers, considérons comme normal de régulièrement vivre des situations désagréables voire intolérables, parce que tant de ces messieurs ne savent pas se tenir.
Je me demande pourquoi nous somme souvent si surprises que lâon pense avoir mal compris, ou mal interprété, et que lâau moment où lâon comprend, câest souvent trop tard pour dire quelque chose, pour dire non, pour le hurler.
Je me demande si lâon devrait apprendre ànos filles et ànous filles àêtre plus vocales et faire entendre un non. à faire confiance ànotre instinct quand on a lâimpression que quelque chose ne va pas, quitte àse faire dire que lâon a rien compris et que ce nâétait pas du tout cela. Parce quâon nous le dira.
Je me demandent pourquoi tant dâhommes admirent et aiment tant leur maman et se montrent si peu respectueux dâautres femmes qui les entourent.
Je me demande comment ces messieurs réagiraient àla pensée que des hommes peuvent traiter leur fille comme eux traitent certaines femmes.
Je me demande comment, entre le respect et lâamour quâils ont pour leur maman et pour leurs filles, certains ne font pas les maths.
Je me demande comment les humains peuvent traiter leurs pairs si mal.
Je me demande pourquoi ces histoires me rendent si triste. Les comportements de Monsieur Weinstein mais aussi le support â tacite probablement â quâil a reçu, les encouragements â puisquâil pouvait et se comporter comme un malpropre et gagner de la reconnaissance, beaucoup dâargent et de la reconnaissance publique.
Je me demande si nous humains ne pouvons pas faire mieux. Si vous me demandez aujourdâhui, je vous dirai que je nâen suis pas persuadée, mais ne perdons pas espoirâ¦
Il faut continuer àmarcher, àcroire et àlutter, parce que la lumière ne se montre que si on la cherche. Elle se gagne, centimètre par centimètre. Et lorsque nous sommes assez àlui faire place, soudain un magnifique lever de soleil se montre et réchauffe tous ceux qui se trouvent autour.