Je nâaime pas les humains. En général, et parfois en particulier.
Je nous trouve fatigants quasi constamment, un tantinet déprimants souvent, désespérants parfois, inconstants presque toujours.
Je nâaime pas non plus particulièrement être un humain, et me trouverais sûrement plus sympathique si jâhabitais une forme dâours, de chien, dâécureuil, de lama pourquoi pas.
Je le dis souvent àma mère, parfois àLui: si lâon venait àdisparaître de la surface de la terre, quel bon débarras ce serait, parce que franchement câest bien trop souvent la cata.
Je nâaime pas notre besoin constant et débordant de reconnaissance, qui transpire, dégouline, ruine parfois les étoffes les plus fines de certaines relations. à commencer, souvent, par la nôtre ànous-même.
Je nâaime pas notre besoin de rassurer lâautre â dans les moments où on nâest pas àla recherche de lâinverse â le sentiment de puissance que cela nous donne, dâimportance, dâêtre nécessaire, et donc reconnu(e).
Je nâaime pas notre façon de calculer, de prendre sans demander, sans se demander si câest vraiment cela dont on a besoin, vraiment cela que lâon veut, et ce que cela peut faire en face.
En face. Pour certains dâentre nous câest un concept aussi abstrait que les plus abstraits des Picassos.
¨Câest un taureau? Ah oui? ¨
Pour certains dâentre nous, ou pour nous tous àdes moments divers et variéa, lâautre existe, câest sûr. Câest souvent un obstacle, voire une course dâobstacle àmanager avant dâarriver au finish. Il nous empiète souvent, nous agace parfois, nous questionne, nous désécurise et nous retourne le cerveau.
Mais il nây a pas de finish autre que le Finish. Et la course dâobstacle continue, puisque câest une des constantes. Ta liberté sâarrête où commence la mienne. Parlez de définition vague et peu aidante.
Jâabhorre cette peur de manquer qui nous traverse (presque) tous, et qui nous vient du fin fond des cavernes semble-t-il. Logique si on se figure la caverne et les tigres àdents de sabre! Mais tellement pathétique. Je la hais chez moi et la combat vivement. Je la hais chez les autres. Je la hais chez nous tous.
Je nâaime pas cette façon ridicule de penser constamment (et totalement arbitraiement) quâon est nuls, pas assez
Je nâaime pas façon de vouloir croire mordicus â et de revendiquer que â lâon ¨est ainsi¨, que lâon ne change et ne changera pas, que câest trop tard, quâon nây peut rien, quâon subit. JAMAIS!! Dis-je.
Je regarde curieusement notre peur dâexister, dâêtre seul, unique, différent, assumé et toutes les stratégies que nous mettons en place pour se (vous, nous) donner lâillusion que non. Et dâêtre jaloux. Comme des poux. Jaloux dâuntel, parce quâil est (ou a) tout plus que. Ou quâil fait tout comme moi. Ou mieux. Ou quâil fait plus de choses avec lui. Parce que ça fait justement de lâombre àlâidée dâunicité que lâon se fait de soi-même. Comme si notre unicité dépendait de nos circonstances, de nos relations.
Et sérieux, est-ce quâon parle de notre incapacité â incorporée àla naissance et férocement tenace â Ã vivre et exister de façon posée dans le seul instant quâil nous est donné dâêtre vraiment.
Enfin voilà, je ne nous aime pas trop. Sachant que je ne suis ni un chêne ni une chenille et â àmon grand dam â pas un ours, je fais avec ce que jâai. Parfois avec plasir, bien sûr. Souvent avec impatience et une (grosse) pointe dâagacement.
Ma mère me dit de tourner mon regard vers les belles personnes, les beaux gestes, les beaux moments. Elle a raison, sans aucun doute. Mais que faire des Trump, des atrocités mondiales, des tristesses quotidiennes, et de tout le reste.
Comment simplement regarder ailleurs quand tout cela, et bien dâautres choses petites et grandes, vient invariablement se coller àvotre visage comme les sacs plastiques sur les fonds marins. à part ne pas regarder les nouvelles et sélectionner (et gérer) très soigneusement mes relations au mieux de mes capacités, je nâai pas de réponse.
Et puis ce soir, un petit coin de lumière mâest apparu, comme ça, qui ferait sûrement plaisir àma mère dont la nature est somme toute bien plus positive que la mienne.
Je me suis dit quâen fait, il y a tout de même une chose que jâaime chez nous les bêtes, les Humains. Et que lâon retrouve chez chacun de nous je crois*. Câest notre volonté de bien faire.
Si vous regardez tous ces parents qui sâoccupent tant bien que mal de leur progéniture, leur approche au travail, leur façon de parler, de se tenir, de faire telle ou telle chose, parfois (souvent) pas ànotre (mon) goût, pas assez ci, pas assez ça (ai-je mentionné àquel point la nécessité de juger me fatigue chez nous â et moi â humains?!). Chacun dâeux le fait avec la plus honnête version de ce quâils pensent être bien. Même si lâon regarde les boulets, ceux dont on se dit que la terre se passerait si bien, eux aussi, àleur façon, cherchent àbien faire. Cela ne justifie pas toujours, presque jamais en fait, mais le sentiment de base est noble.
Il est tard et câest lâhiver, je me contenterai donc de cette lumière pâle dans la nuit pour aujourdâhui. Les humains, chacun de nous veut bien faire.
*sauf peut-être chez les gens malades, câest encore une autre histoire.
Crédit dâimage: Depositphoto